Docteur Nico Kasanda ou le dieu de la guitare
Guitariste de légende, Nicolas Kasanda wa Mikalay, dit “Nico Mobali”, puis “Docteur Nico”, soignait les âmes et faisait danser les chœurs. Joseph Kabasélé fut son maître, Franco Luambo Makiadi, son principal rival, la guitare, sa religion. Son immense talent et son vibrato hantent encore aujourd’hui de nombreux guitaristes dans le monde d'art d'Orphée.
Docteur Nico Kasanda est un guitariste, compositeur congolais et l’un des pionniers du soukouss et de la rumba fiesta. Né Nicolas Kasanda wa Mikalay, un certain 7 juillet 1939 à Mikalayi, dans la province du Kasaï, au Congo Belge, actuellement République démocratique du Congo.
Après avoir obtenu un diplôme de professeur dans l’enseignement technique, mécanique en 1957 qui lui a permis d’enseigner à l’Ecole professionnelle (EPOM) de Kinshasa/Ndjili, Nico Kasanda choisit plutôt la guitare.
Dr Nico grandira dans une époque riche en créateurs et surtout en guitaristes ; la guitare étant alors le principal instrument acoustique qui accompagne la voix. Nico a tout juste 9 ans lorsqu’il commence à jouer à la guitare.
Très vite, il sera surnommé "Docteur" (pour illustrer sa virtuosité) et s’imposera comme soliste par sa capacité à dialoguer avec les autres instruments mais aussi par ses qualités : il a un jeu élégant, il peut mélanger des styles très divers (mambo, jazz, classique, rumba), il est capable d’enchaîner des techniques multiples (picking, accords) au cours d’un même morceau avec une virtuosité hallucinante.
Dès son jeune âge, il est irrésistiblement attiré par les muses comme d’ailleurs la plupart des membres de sa famille. C’est son aîné Charles Mwamba « Dechaud », et son cousin Tino Baroza sortis de l’école de Jhimmy en 1951, qui initieront le jeune amateur, aux mystères joyeux de la guitare.
En 1951, âgé à peine de 12 ans, le futur Dr Nico enregistre un premier 45T (45 tours) comme soliste avec Joseph Kabasélé et l’African Jazz. L’éditeur grec Moussa Bénatar remarque son talent précoce et lui offre sa première guitare. Dr Nico va finalement s’imposer comme soliste au sein de l’African Jazz.
À l’âge de 14 ans, soit en 1953, officiellement, il commence à jouer au sein du groupe Grand Kalle & l’African Jazz, mené par Joseph « Grand Kalle » Kabasele. Il devient alors un guitariste influent. (Jimi Hendrix lui-même est venu le voir personnellement alors qu’il était en tournée à Paris) et l’initiateur du finger-picking congolais, omniprésent à l’époque, ce qui lui conféra le surnom de « Docteur Nico ».
En 1960, à la Table ronde de Bruxelles, Nico Kasanda est au sommet de sa gloire pour le soin extrême qu’il apporte à la production de l’album « Indépendance Cha cha cha », ainsi qu’à la sophistication de la guitare solo.
En juillet 1963, l’African Jazz se dissout. Docteur Nico et Tabu Ley Rochereau, alors chanteur principal du groupe, forment l’orchestre African Fiesta qui atteint rapidement la notoriété en Afrique et sa diaspora dans seulement deux ans.
A la scission du groupe en décembre 1965, deux formations naîtront : l’African Fiesta Flash National ou Peuple (qui deviendra plus tard Afrisa International) pour Tabu Ley et l’African Fiesta Sukisa pour Dr Nico (dont feront partie, entre autres, son frère Charles Mwamba, Lucie Eyenga et Josky Kiambukuta).
Il faudra attendre les années 1970 pour que l’African Fiesta Sukisa connaisse un immense succès. Il va même devenir l’un des groupes les plus populaires de la scène congolaise, avec l’exploration du rythme traditionnel de sa région du Kasaï, le “mutuashi”. Des morceaux comme “Ngalula”, “Nico alekaki”, “Bougie ya motema”, “Marie Pauline”, “Sanza zomi na mibale” ou encore “Bolingo ya sens unique” feront les beaux jours de tous les mélomanes des deux Congo.
Le plus célèbre artiste chanteur compositeur, Pascal Sinamoyi mieux connu sous le nom de Seigneur Rochereau Tabu Ley, de son vivant avait témoigné sur les antennes de la Radio-Congo à Brazzaville, au cours d’une émission de Mosito Abopaul, que « Damoiseau est l’un de plus grands guitaristes que j’ai connu, mais celui-ci n’atteignait pas la cheville de Dr Nico », ajoutant que « j’ai eu la chair de poule, lors d’une cérémonie organisée par le gouvernement américain en mémoire de Jimmy Hendrix aux Etats-Unis, quand le père de ce dernier, dans ses propos, avait déclaré : «aujourd’hui mon fils est honoré par les Etats-Unis pour de loyaux services rendus à la nation américaine en tant qu’artiste et musicien à travers ce trophée, mais il y a tant d’autres artistes à travers le monde qui ont mérité cet honneur et qui n’ont pas eu cette opportunité, notamment, le guitariste zaïrois (congolais), Dr Nico, de qui Jimmy Hendrix se privait de sommeil pour travailler chaque jour ses partitions».
Dr Nico est le plus grand guitariste solo de l’histoire de la musique congolaise moderne, après Emmanuel Tshilumba wa Baloji « Tino Baroza », son maître spirituel, lequel avec Charles Mwamba « Dechaud » guitariste d’accompagnement ont été formés par le guitariste « hawaïen» Zacharie Elenga « Jhimmy ».
Il se retire de la scène musicale vers le milieu des années 1970 à la suite de la faillite de son label musical belge. Il se réconcilie avec son collègue Tabu Ley en 1980. Il réintègre Arfisa International où il va rester quelques années. Et après, il part se consacrer à quelques enregistrements au Togo, avant de mourir le 22 septembre 1985.
Atteint par la maladie à l’été 1985, celui que l’on considère comme une véritable légende de la guitare classique congolaise sera transporté d'urgence à Bruxelles, grâce à la couverture médicale accordée par le Président Mobutu aux artistes, mais meurt, malheureusement, la nuit même de son admission, à l’Hôpital St-Luc de Bruxelles (Belgique).
Par Adjuvant KRIBIOS-KAUTA
À suivre